Avons-nous besoin des influenceurs ?

Duc Ha Duong
7 min readNov 28, 2022

4ème épisode d’une série hebdomadaire qui documente une réflexion partagée sur quel bon usage faire d’un réseau social. Il n’est pas trop tard pour rattraper les 3 premiers : Mais pourquoi montrer mes posts à des trolls et des haters ? / Comment trouver des personnes de bon conseil ? / Faut-il endiguer l’effondrement du mur pro/perso ?

Au commencement était le point à point…

Encore beaucoup de discussions passionnantes cette semaine, qui m’ont renforcé dans le besoin travailler cette distinction entre média social et réseau social. C’est plus compliqué que ce que j’en disais la semaine dernière. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille dès le premier épisode quand j’évoquais le “réseau social” comme une technologie.

L’email a démocratisé le point à multipoint, il fallait encore choisir ses destinataires…

Si c’est une technologie de communication, celle qui consiste à confier à un algorithme (oui je sais, de nos jours on dit “une IA”), le soin de choisir les destinataires de mes messages, alors elle n’a pas de fin, pas d’objectif en soi. Comme le feu et le nucléaire, il s’agit ensuite de trouver des cas d’usages pour en faire quelque chose.

Technologie réseau social : plus de champ d’adresse, le réseau décide pour moi

Le cas d’usage “média” est le premier qui vient à l’esprit : échanger des informations à grande échelle, utiliser la technologie pour la diffuser avec une grande précision, à la bonne personne, au bon moment, au bon endroit. Avec ce cas d’usage, on capte de l’attention et on peut gagner de l’argent en la revendant. Et on a des problèmes de fake news et de polarisation…

Par contre, ce que j’ai appris cette semaine, c’est que “réseau social” n’est pas un cas d’usage en soi, et donc la question se pose : que pouvons-nous, que voulons-nous en faire d’autre ? Jouons au jeu des 5 pourquoi :

  • Pourquoi tous ces articles Medium ? Pour rassembler des hommes et des femmes qui partagent le même rêve, la même aspiration d’utiliser cette technologie pour le bien commun, et réfléchir ensemble à ce qu’on pourrait faire.
  • Et pourquoi réfléchir ensemble ? Pour créer un “safe space” numérique, un espace où chacun peut poser sa cotte de maille et se mettre en vulnérabilité, exposer ses peurs, ses doutes et ses besoins.
  • Et pourquoi un safe space ? Pour permettre le développement et l’entretien de liens de qualité entre les humains. Notamment de l’entraide saine, c’est-à-dire qui commence par des besoins clairement exprimés, et qui est fournie par des personnes pleinement libres et volontaires.
  • Et pourquoi connecter les humains ? Pour favoriser l’entraide entre nous, entre personnes qui partagent les mêmes causes. Permettre l’émergence de projets qu’une seule personne ne pourrait achever seule.
  • Et pourquoi favoriser l’entraide ? Parce que nous avons la conviction que cela fera advenir plus de projets positifs que de projets toxiques pour notre société.

Le cas d’usage que l’on voit se déployer est donc loin du media. Il ne s’agit pas d’utiliser la technologie pour informer ; il s’agit plutôt d’être, et d’être dans une posture féconde. Larbi Touahir avec Isabelle Bapteste évoquent leur désir pour un “réseau humain”, mais le cas d’usage n’est pas bien clair. Solenn Thomas, avec Anne Ghesquière parle de propager nos bonnes pratiques, bonnes nouvelles, bonnes questions… pour éveiller les consciences et nous soutenir dans notre humanité au quotidien.

Au fond, le cas utilisateur, c’est trouver de l’aide pour faire avancer ses projets en humanité, c’est-à-dire sans la mendier, sans l’acheter, sans l’imposer à des personnes non consentantes, bref en respectant la souveraineté individuelle de tous.

Ceci peut sembler à l’encontre du modèle de production dominant actuel : si je veux faire un projet plus grand que moi, l’injonction est de trouver d’autres personnes avec lesquelles, à part pour quelques associés, je vais développer une relation de subordination (prestataire ou salarié). Et ensuite j’évolue en milieu fermé, restreint aux personnes identifiées comme missionnées sur le projet. Si quelqu’un d’autre hors de ce milieu m’aide, c’est du travail dissimulé, c’est illégal. Sur notre réseau social, on évite la nécessité de recourir à une soumission préalable dans la durée (la plupart du temps librement consentie, dieu merci!), puisqu’à chaque besoin exprimé on est libre de contribuer, ou pas.

En fait il n’y a pas de conflit, car on ne va pas à l’encontre du modèle dominant : on l’inclut. En effet si la subordination est optionelle, elle peut très bien exister quand même. Quand j’appelle à l’aide sur mon projet X, je peux recevoir l’aide d’un collègue (subordonné comme moi) ou bien l’aide d’un ami qui n’a rien signé. Le défi est bien de faire coexister les deux possibilités dans une même demande. La semaine dernière on évoquait le fait que l’utilisateur mélangeait projets pros et perso sur la plateforme, aujourd’hui on voit symétriquement que l’utilisateur interagit indistinctement avec ses collègues et ses amis sur la plateforme.

On est donc sur une plate-forme de coopération, qui inclut mon équipe la plus resserrée, et là on est sur du Asana ou du Monday qui font ça très bien, et aussi, surtout, les liens faibles, mon second cercle, qui ont le potentiel de m’apporter des bonnes nouvelles inattendues. Il ne s’agit plus d’informer pour informer, on souhaite informer pour agir. Là, je ne sais pas trop à quoi le comparer, je suis à votre écoute pour savoir comment qualifier ce service.

Quelques idées récoltées cette semaine pour nous aider à voir à quoi ça pourrait ressembler.

Revenons sur du concret. Déjà, pas de posts à 1 million de vues. Les posts ne sont montrés à Jean-Michel que s’il est plausible d’imaginer que Jean-Michel puisse agir en faveur de leur auteur. Dans la grande majorité des cas, on sera donc sur des audiences confinées aux deux premiers cercles, amis ou amis d’amis, soit quelques milliers de personnes, grand max.

Ensuite, il serait intéressant pour l’auteur d’indiquer le niveau d’intimité de chaque post. Plus un post me met en vulnérabilité, plus je souhaite qu’il ne se diffuse pas trop loin, pour me sentir en sécurité. Il ne sera donc proposé qu’à des personnes proches, considérées comme étant les plus bienveillantes envers moi. Inversement je peux faire des posts “bouteille à la mer”, pour lesquels je fonde plus d’espoir dans mes cercles les plus larges, car ma demande est assez spécifique donc je souhaite maximiser mes chances en allant chercher un périmètre d’audience plus large.

Une version élaborée de ce principe serait de permettre de “lancer” mon post dans la direction d’une sphère sociale donnée, façon angry birds, avec un geste sur la représentation de mon graphe social à l’écran.

Et hop ! Je lance mon post !

Et enfin avant de vous laisser je reviens vers une idée du post de la semaine 2, le caillou dans la chaussure. Souvenez-vous : je peux marquer mon post d’un drapeau pour en faire une demande d’aide explicite, et le drapeau reste levé tant que je n’ai pas décidé que mon besoin, d’une manière ou d’une autre, a disparu. A propos de l’algorithme du majordome, qui vérifie où j’en suis, fait tourner ma demande auprès de mon premier cercle, allant chercher ceux n’ont peut-être pas vu la première fois ou qui se sont dit que bon, je peux aider un peu, mais sans doute quelqu’un d’autre sera encore mieux placé pour le faire que moi. Attendons un peu pour voir “s’il n’y a pas un deuxième médecin dans l’avion”. Et bien deux bonnes nouvelles :

  • Mon amie Ha m’a fait remarquer que cela n’a rien d’original, c’est typiquement ce que sait faire, par excellence, un algorithme de site de rencontre. Donc on a une bonne base de savoir-faire sur le sujet :-) !
  • La demande d’aide étant rattachée à un projet, qui lui-même sert des causes, le ciblage peut se concentrer sur les personnes qui partagent les mêmes causes.
  • L’idée du Majordome, du “timeline bot”, est intéressante à développer pour d’autres usages, comme rappeler à l’utilisateur qu’il n’a pas bougé sur tel ou tel objectif depuis longtemps, lui proposer d’ajouter ou enlever des influenceurs. Comme si le Majordome écrivait des posts, sauf qu’il ne sont lus et adressés qu’à une seule personne.

Sur mon chemin, j’ai parlé et on m’a recommandé de nombreuses personnes cette semaine, je les remercie pour leur temps passé à mon éducation. En m‘éloignant du sujet média social, certains vont perdre leur intérêt et je le comprends tout à fait. Merci à eux de m’avoir éclairé jusque là. D’autres personnes vont nous rejoindre pour parler productivité d’équipe et d’intelligence collective, bienvenue à eux !

A la semaine prochaine !

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Duc Ha Duong

Entrepreneur, father, barbarian, dreamer, prospectivist, teal evangelist, optimistic, french-vietnamese, parisian, feminist, caretaker. Blind to legal fictions.